L'ombre de la mort (privé)

Dans une forêt de Malheon, en bordure d'Arkol, les derniers rayons du soleil venaient lécher les branches des arbres au feuillage absent, veilleurs endormis. Il était encore tôt, mais en cette journée du solstice d'hivers, le soleil fuyait devant l'avancé de l'ombre de la nuit. On eu dit que les arbres eux-mêmes tremblaient sous le froid, les sapins tentant de se départir de leur couvert de neige, alors que le vent les agitaient. Les oiseaux, par ce froid, n'osaient point s'envoler, de peur de geler en vol, mais chose curieuse, ne se faisaient pas entendre non plus. Pourtant, leur silence avait une toute autre origine que leur absence des cieux. En effet, alors que l'ombre s'étendait, une silhouette la suivait, lentement, penchée mais grande sous ses amples vêtements. Autour de celle-ci, tout se taisait, le vent l'épargnait. On eu dit que même le vent et les sons de la forêt mourraient à son contact. Un observateur particulièrement attentif aurait pu s’apercevoir que la silhouette, toute voutée qu'elle soit, avait une bosse au niveau de ses épaules qui se perdait dans les plis de ses habits. Mais ce qu'un observateur aussi curieux qu'il soit n'aurait jamais pu savoir sans perdre la vie, c'est que sous cette capuche ne se trouvait pas un nez, mais un bec. Ce même bec crochu et décharné était encré sur un visage desséché et morbide, rappelant vaguement un vautour, avec quelques plumes encore présentes sur le crâne, issus d'une époque lointaine et perdue. De même, cet observateur n'aurait jamais su que la bosse dans le dos de la créature n'était autre qu'une paire d'aile avec si peu de plumes que voler avec celles-ci représenterait un sérieux problème. Et, tout observateur qu'il soit, jamais il n'aurait su quel voyage l'inconnu avait effectué pour se rendre jusqu'ici. En fait, l'étrange visiteur venait d'aussi loin que le territoire peu connu d'Oibourg, mais, il y a longtemps qu'il l'avait quitter pour se rendre sur Jatao, qu'il avait habiter quelques temps avant de jeter son dévolu sur le territoire vers lequel il marchait inlassablement en ce moment même, Arkol. Et c'est ainsi que s'étendit l'ombre de la mort, ou plutôt les ailes de celle-ci.

La silhouette, marchant toujours, releva soudain la tête, si la silhouette eue un nez, il aurait était possible de dire qu'elle reniflait dans l'air, mais c'était bien plus que ça. Bien qu'elle sentait quelque chose, ce n'était pas au sens usuel, mais plutôt un sentiment, quelque chose d'étrange, mais de familier en même temps. C'était encore trop loin pour l'identifier, mais cela ne saurait trader. Et si le besoin s'en faisait sentir, il n'y aurait pas uniquement le vent qui mourrait aujourd'hui.

Malheon. Si près du but. Je crois avoir trouvé ce qu'il me fallait. Cet individu louche est peut-être mon salut; il pue la mort. En fait, il pue tout court, mais bon... À cheval offert on ne regarde pas la bride. Si je vais devoir le guider dans ses agissements, autant commencer immédiatement. Un plan incroyablement simple se dessina dans mes pensées. Si tout se déroulait comme prévu, j'allais récupérer un corps avant la prochaine lune. J’apparus devant le volatile géant, les bras croisés et le regard dur.

-Bonsoir, Nécromancien. J'espère que je ne vous dérange pas en cette soirée si déprimante.


Mon ton laissait transparaître une colère mêlée de dédain.

L'être difforme, la tête légèrement de côté fixait, intrigué, l'apparition bien étrange qu'il avait devant les yeux. Loin d'être impressionné par l'esprit, c'est très lentement qu'il ouvrit ce qui ressemblait en tout point à un bec pour y laissé s'échapper des mots sifflotants, constamment interrompus par des claquements dû au bec et à la langue de l'étrange créature.

- Âme.. Quoi toi vouloir?... Moi charognard des âmes.. Moi chercher corps.... Déloger leurs âmes...

La tête du nécromant se tourna de l'autre côté dans un craquement sinistre, puis ses grandes ailes s'agitèrent sous ses amples vêtements alors qu'il attendait la réponse de l'esprit.

L'individu avait répondu avec une lenteur insupportable, et tout son habit se déformait sous les mouvements de ce qui semblait être un vestige d'ailes, maintenant trop usées pour servir. Arne hocha lentement la tête. Les nécromants étaient tous des êtres abjects, remplis par la vanité et la cupidité. Celui-là ne semblait pas faire exception à la règle, si on passait outre son petit problème d'élocution...

-Oui, effectivement. In fact, j'aurais grand besoin de votre expertise en la matière. Par contre, le contrat diffère de vos activités habituelles. En fait, j'aurais besoin que vous effectuiez l'opération inverse. If you know what I mean...

Rendu là, tout pouvait arriver. Le nécromancien pouvait simplement refuser, ou encore demander une récompense astronomique, ou pire, déchirer son âme par pur plaisir sadique...

Intrigué par une telle demande, chose assez rare, surtout venant d'un esprit errant, le nécromant prit le temps d'y réfléchir. La tête toujours sur le côté, il mesurait les avantages et les inconvénients s'il acceptait. Accepter pouvait entrainer un léger contretemps pour les plans qu'il avait envisagé, mais d'un autre côté pouvait lui fournir un bon point de départ pour les mener à bien s'il savait bien profiter de la situation. C'est donc pourquoi il répondit à l'esprit avec une idée bien précise en tête:

- Quoi en retour?...Quoi pouvoir offrir?... Si moi te trouver corps, toi offrir cadavre à moi?... Si oui, moi essayer de te trouver un corps...

L'étrange être attendit donc sa réponse, planifiant déjà ce qu'il ferait en cas de refus ou d'approbation du marché qu'il venait de proposer.

Oh, sweet irony...

Le visage du spectre se fendit d'un sourire inhumainement machiavélique, d'une cruauté sans borne, tel celui d'un flactien s'apprêtant à mettre à mort un bambin elfe sans aucune arrière pensée. Il voulait des cadavres? Il allait lui en donner, oh que oui, plus qu'il ne pourra jamais en désirer! L'armée impériale allait servir admirablement bien à cet effet... Longtemps avait-il observé ces monstres accomplir leur basse besogne, longtemps avait-il été forcé d'assister aux massacres, mais maintenant tout allait changer, le sang rouge sur fond rouge allait couler...

- N'est-ce que ta seule requête? All righty-right, then... You shall have what you desire my good sir, and maybe even more... Quant au corps, suis-moi, je connais un endroit où nous pourrons me ramener sur le plan matériel...


Arne tourna les talons et s'enfonça dans la nuit, vers le sud.

Enchanté de la tournure que prenait les choses, le nécromant emboita le pas à l'esprit, car un accord avait été fait en silence. Si il avait pu sourire de contentement, il l'aurait fait, mais à la place un observateur attentif n'aurait vu qu'une étrange grimace avec son bec. C'est pourquoi il s'en abstint, optant plutôt pour une réflexion sur ce qu'il ferait de tous ces cadavres.